Noms de famille: législation 2013

Dès 2013, la loi suisse change concernant les noms de familles !

Fini les femmes divorcées et remariées qui se retrouvent à accoler le nom de famille de leur nouveau conjoint à celui de l’ancien. Terminé les mamans qui donnent le nom de leur ex-mari aux enfants nés d’un second amour. Fini cette bonne et vieille pratique, qui, en fait, n’était pas vraiment vieille (depuis 1912 seulement) et certainement pas toujours bonne pour tout le monde. Cela dit, quoi qu’on en pense, le parlement à trancher et les usages vont devoir s’adapter.

Les changements principaux sont les suivants (art. 160 du Code civil) :

1 – Chacun des époux conserve son nom.
2 -Les fiancés peuvent toutefois déclarer à l’officier de l’état civil vouloir porter un nom de famille commun; ils peuvent choisir entre le nom de célibataire de l’un ou de l’autre.
3 -Les fiancés qui conservent leur nom choisissent lequel de leurs deux noms de célibataire leurs enfants porteront. L’officier de l’état civil peut les libérer de cette obligation dans des cas dûment motivés.
Pour plus d’infos

Le Code Civil – tous les articles modifiés (pdf)
http://www.admin.ch/ch/f/as/2012/2569.pdf

Questions-Réponses, par ici (pdf):
http://www.ejpd.admin.ch/content/dam/data/gesellschaft/gesetzgebung/namensrecht/faq-namensrecht-f.pdf

 

Article du 24 heures – par Nadine Haltiner et Martine Clerc le 10.10.2011

Au nom du père, du fils et de la mère… Ce que la loi sur les noms va changer

Quel nom porter après le mariage? Comment appeler ses enfants? Le nouveau Code civil entre en vigueur l’an prochain. Décryptage d’une loi critiquée.

Après des années de débats, les Chambres fédérales se sont accordées sur la future loi qui régira les noms de famille. Si aucun référendum n’est lancé d’ici au 30 mars, le nouveau Code civil entrera en vigueur au milieu de l’an prochain. Explications.


Que dit la loi actuelle?

Les époux portent d’office le nom de l’homme et le transmettent à leurs enfants. La loi permet néanmoins trois exceptions. Premièrement: l’épouse peut demander à garder son nom de jeune fille qui précédera alors celui de son mari.

Deuxièmement, les époux peuvent choisir le nom de la femme et le transmettre à leurs enfants. Dans ce cas, l’homme peut demander à garder son nom à condition qu’il précède celui de son épouse. Mais aucun double nom ne se transmet aux enfants.

En Suisse, il est par ailleurs d’usage d’utiliser un «nom d’alliance». Il s’agit des deux patronymes reliés par un trait d’union. S’il n’a rien d’officiel, ce nom peut être inscrit sur les documents d’identité sur demande. En cas de décès, le veuf ou la veuve garde le nom du mariage.

Il en va de même en cas de divorce, sauf si l’ex-époux demande à reprendre son nom dans l’année qui suit le divorce. Les enfants gardent leur nom. Dans les couples non mariés, les enfants portent d’office le nom de la mère.


Que dit la nouvelle loi?

Le nom du mari ne sera plus imposé. Les conjoints pourront conserver chacun leur nom et leur droit de cité. Ils peuvent néanmoins demander à l’Etat civil de porter un nom commun: celui de la femme ou de l’homme. Les doubles noms disparaissent donc, mais pas les noms d’alliance.

En cas de divorce, chacun garde son nom. Si le couple a opté pour un nom commun lors du mariage, celui qui a changé de patronyme aura désormais le droit de reprendre en tout temps son nom de célibataire.


Quel nom porteront les enfants?

Si les parents ont le même nom, les enfants le porteront aussi. Mais si les fiancés veulent garder leur nom respectif, ils devront annoncer, lors du mariage, lequel de leur nom ils veulent donner à leurs enfants.

La loi ne précise pas qui tranchera en cas désaccord. «L’intérêt de l’enfant prévaudra», note l’Office fédéral de la Justice. Pour les partisans de la loi, cela ne posera pas de problème, vu que les parents sont censés s’entendre lors du mariage. Mais pour de nombreux avocats, des enfants risquent de naître sans nom.

Un couple pourra-t-il alors se marier sans annoncer le nom de l’enfant? Une autorité devra-t-elle trancher? Les réponses tomberont au cas par cas.


Le nom de l’enfant est-il définitif?

Non. La loi donne aux époux la possibilité de changer le nom de l’enfant dans l’année qui suit sa naissance. Ce qui inquiète des psychiatres: s’ils admettent qu’un couple peut, lors du mariage, choisir le nom de l’enfant, ils estiment que ce couple risque d’être en conflit lors de la naissance. Un des parents pourrait vouloir changer le nom de l’enfant au détriment de l’autre. Or le couple doit être d’accord pour le changer.

En cas de divorce, les enfants ne changent en principe pas de nom de famille. Pour les couples non mariés, la loi instaure un grand changement: le père pourra donner son nom à ses enfants au même titre que la mère, à condition que les parents exercent l’autorité parentale conjointe.


La future loi sera-t-elle rétroactive?

Oui. Les personnes qui portent actuellement un double nom pourront reprendre en tout temps le nom qu’elles portaient avant le mariage. Il sera aussi possible de changer le nom des enfants, dans un délai d’une année après l’entrée en vigueur de la loi et à condition que les parents soient d’accord.

La nouvelle loi permettra aussi aux pères actuellement non mariés de donner leur nom à leurs enfants, dans un délai d’une année après l’entrée en vigueur. La loi précise toutefois que les enfants de plus de 12?ans devront donner leur accord. Un changement de nom entraîne des frais administratifs d’une centaine de francs.


Pourquoi la loi est-elle si critiquée?

Parce que l’impact de ce «nom de famille à la carte» reste flou. Une majorité reconnaît qu’elle instaure une égalité entre hommes et femmes, puisque ces dernières ne perdront plus d’office leur nom.

«L’obligation de s’accorder sur un nom lors du mariage permettra aussi aux couples d’entrer dans leur rôle d’époux et de parents», ajoute Antoine Hartmann, juriste au Centre social protestant à Lausanne. Mais d’autres s’inquiètent du sort des enfants.

Le psychiatre Gérard Salem critique «une distribution aléatoire du nom laissée à des parents souvent immatures: la diversité des noms va à l’encontre du sentiment de continuité identitaire. Elle ne vise pas à assurer la stabilité des liens familiaux. A terme, les enfants risquent de ne plus savoir à quelle lignée ils appartiennent.»

Une vision partagée par les généalogistes. Si leur travail s’annonce plus compliqué, leur crainte se focalise sur la perte de la filiation masculine. «C’est une rupture avec une tradition séculaire, note Edith Jardin, présidente de Sogeni SA, société de généalogie internationale. Les générations futures le regretteront.»

Beaucoup auraient voulu que la loi permette de garder et de transmettre le double nom. Une idée rejetée à Berne.


« Mon ami voulait donner son nom à notre fille»

S’ils s’étaient connus dix ans plus tard, et sous l’égide de la nouvelle loi, Aline Pingoud Viguet et son époux, Nicolas Viguet, ne seraient peut-être pas mariés. Si les deux Vaudois ont officiellement uni leurs destinées à l’Hôtel de Ville, en 2006, c’est aussi pour que Monsieur puisse transmettre son nom à ses enfants, dont l’aînée était déjà née.

«En voyant les faire-part annonçant la naissance de notre fille, Nicolas a eu un pincement au cœur, explique Aline Pingoud Viguet. Comme il ne peut pas porter d’enfants, il trouve logique de pouvoir leur donner son nom, comme une compensation», raconte la trentenaire. Le règlement des questions juridiques entre conjoints a aussi joué un rôle dans le choix de se marier.

Avec le nouveau régime, Aline et Nicolas n’auraient peut-être pas convolé en justes noces ou auraient pour le moins gardé chacun leur nom et transmis celui du père aux enfants. La jeune femme, aujourd’hui mère d’une fille et d’un garçon, a désormais l’intention de saisir la possibilité légale de ne conserver pour elle-même que son nom de jeune fille. Tout dépendra du prix de la démarche. «Même si, dans ma vie quotidienne, je n’utilise jamais ce double nom, j’aimerais que ce soit clair sur les documents officiels. Pingoud, c’est mon nom!»


«Un double nom, même pour les enfants!»

Vanessa Gray-Schopfer Couture a un nom à rallonge, qu’elle utilise rarement entièrement. «Il n’y a jamais la place dans les petites cases des formulaires», sourit la trentenaire. A son mariage, il y a deux ans, elle aurait ainsi bien conservé son seul nom de jeune fille, Gray-Schopfer, auquel elle tient tant.

Impossible légalement. Et tant mieux serait-elle pourtant tentée d’ajouter. Car pour elle, le double nom, qui sera interdit dans la nouvelle loi, permet de résoudre des casse-tête.

«Mon mari était si heureux de me transmettre son nom. Il aurait été très déçu si j’avais eu le choix et que j’aurais opté pour mon seul patronyme.» Selon elle, il faudrait rendre possible l’attribution d’un double nom – celui du père et de la mère – également aux enfants, à l’image de ce qui se pratique au Portugal ou en Espagne, «histoire de montrer ce double attachement.»

Sans pour autant prendre son parcours en exemple, la jeune femme revient sur la genèse de son propre nom, Gray-Schopfer: née hors mariage, Vanessa a légalement hérité du nom de sa mère (Gray). Mais, préadolescente, elle s’est battue pour obtenir également celui de son père (Schopfer): «Je voulais me sentir comme les autres, objectiver ce lien avec mon père. Sans pour autant renoncer au nom de ma mère qui m’élevait.»


«Je tiens beaucoup à cette double identité»

«Dans la nouvelle loi, l’un des deux doit sacrifier son nom. C’est dommage, car personnellement, je tiens beaucoup à cette double identité.» Juan Français Smith (nom d’emprunt) est un défenseur du double nom. Il a fait un choix peu fréquent pour un homme: accoler à son nom le patronyme de sa nouvelle épouse.

«Le nom de ma femme australienne sera le nom de notre famille car elle avait très envie de garder son nom et de le transmettre. Quant à moi, j’ai déjà deux filles d’une précédente union qui s’appellent Français. Ce double nom est donc idéal car il me relie à la fois à mes filles et à mon fils qui va naître en février, et s’appellera Smith. Avec la nouvelle loi, cela aurait été impossible.»

Pour Juan Français Smith, transmettre son nom à son fils afin de perpétuer la lignée n’a aucune espèce d’importance. «L’attachement à son nom dépend de l’histoire que l’on a avec sa propre famille. De mon côté, c’est compliqué. Du côté de ma femme, la relation est plus constructive.»

Reste que le choix d’un nom est très émotionnel. «Au début, mes filles n’ont pas compris que ma femme ne prenne pas mon nom. Elles ont déduit qu’elle ne voulait pas faire partie de la famille. Quant aux gens que je rencontre, ils sont souvent déconcertés. Ils me demandent: Comment veux-tu que l’on t’appelle?!»

 

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