Nouveau droit de l’entretien et de la contribution de prise en charge de l’enfant

Pro Familia Vaud s’est intéressée à la question du nouveau droit de l’entretien de l’enfant ainsi que le calcul de la prise en charge de l’enfant défini dans un arrêt du Tribunal fédéral en automne 2018. Afin de rendre ces décisions plus accessibles, Sarah Jomini, avocate-stagiaire et membre du Comité de Pro Familia Vaud, a rédigé un article que nous publions ci-après.

Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant et le calcul de la prise en charge de l’enfant
par Sarah Jomini – avocate-stagiaire

Le 1er janvier 2017, les règles relatives à l’entretien des enfants, que ce soit dans le cadre d’un divorce ou d’une séparation, ont été modifiées.

Jusqu’en 2017, les juges avaient l’habitude d’attribuer un montant global pour « l’entretien de la famille » (enfant-s et éventuellement ex-conjoint-e), qui se basait généralement sur un pourcentage du revenu net du parent débiteur.

Depuis le 1er janvier 2017, le coût d’entretien des enfants doit être individualisé et calculé en fonction du coût de chaque enfant séparément.

Le coût d’un enfant se calcule désormais comme suit :

Minimum vital  CHF 400.- jusqu’à 10 ans  

ou CHF 600.- après 10 ans

+

part au loyer du parent gardien (env. 20% du loyer par enfant)

+

frais de loisirs

+

assurance-maladie

+

év. frais de garde

=

Total des frais directs générés par l’enfant

 

Aux frais directs générés par l’enfant doivent encore être ajoutés les frais indirects générés par l’enfant (coûts indirects). Les coûts indirects reflètent le temps que les parents dédient à leurs enfants pendant lesquels ils ne peuvent pas se consacrer à une activité lucrative.

Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant tient compte de ces frais indirects en prévoyant le versement d’une « contribution de prise en charge ».

 

Dans un arrêt rendu le 31 mai 2018 (arrêt du TF 5A_1043/2017), le Tribunal fédéral a exposé la manière dont la contribution de prise en charge doit être calculée :

Minimum vital du parent assurant la prise en charge de l’enfant   CHF 1200.- s’il vit seul 

CHF 1700.-/2 s’il vit en concubinage

+

loyer (- part des enfants au loyer)

+

assurance-maladie

+

frais de loisirs

+

év. impôts et autres frais si la situation financière n’est pas trop serrée

=

Minimum vital dit « du droit de la famille »

Une fois le minimum vital dit « du droit de la famille » du parent gardien calculé, il faut l’ajouter au total des frais directs générés par l’enfant, puis soustraire ce montant total du revenu réalisé par le parent gardien.

Revenu réalisé par le parent gardien – (minimum vital dit « du droit de la famille » + total des frais directs générés par l’enfant)

= montant de la contribution de prise en charge

Ainsi, seule une situation déficitaire du parent gardien permet d’aboutir à une contribution de prise en charge ; si les revenus du parent gardien lui permettent de couvrir son minimum vital ainsi que celui de l’enfant/des enfants dont il a la garde, aucune contribution de prise en charge ne sera versée. En revanche, les frais directs générés par l’enfant seront partagés entre les deux parents, que ce soit par moitié ou selon une autre répartition !

Le calcul du revenu hypothétique du parent gardien

Cela dit, de nombreuses familles optent pour un système où l’un des deux parents cesse d’exercer une activité lucrative ou réduit fortement son taux d’occupation pour consacrer son temps aux enfants.

Dans un tel système et en cas de séparation, le juge ne pourra de loin pas toujours retenir un montant de CHF 0.- en tant que « revenu réalisé par le parent gardien ».

Intervient alors le calcul du revenu hypothétique, qui est le revenu que le juge va considérer que le parent gardien pourrait réaliser au vu de sa situation familiale, et qui est le revenu qu’il retiendra pour le calcul de la contribution de prise en charge (cf. ci-dessus).

Par un arrêt du 21 septembre 2018 (arrêt du TF 5A_384/2018), le Tribunal fédéral a défini les taux auxquels il considère que les parents gardiens doivent pouvoir exercer une activité lucrative en fonction du niveau de scolarité de leurs enfants.

Jusqu’à la parution de cet arrêt, la règle dite des 10/16 ans s’appliquait. Celle-ci prévoyait que le parent qui, après une séparation ou un divorce, se voyait confier la garde des enfants et n’avait jusqu’alors exercé aucune activité lucrative, devait travailler à un taux de 50% dès les dix ans du plus jeune enfant et à plein temps dès ses seize ans.

Désormais, c’est le modèle des degrés de scolarité qui doit s’appliquer. Le parent qui prend en charge l’enfant de manière prépondérante doit ainsi en principe exercer une activité lucrative à un taux de 50% dès la scolarisation obligatoire du plus jeune enfant, de 80% dès le début du degré secondaire et de 100% dès ses seize ans.

Ainsi, le juge devra estimer le revenu que le parent gardien en mesure de réaliser selon sa formation et son expérience en exerçant une activité lucrative au taux fixé par le Tribunal fédéral (50%, 80% ou 100%), puis utiliser ce montant dans le calcul ci-dessus pour déterminer si une contribution de prise en charge doit être versée.

* * *

L’on signale toutefois que les principes et méthodes de calcul exposés ci-dessus définissent un cadre généralement applicable, mais que les juges doivent toujours examiner chaque situation au cas par cas, en particulier dans les familles dont les revenus sont singulièrement faibles ou au contraire singulièrement élevés.

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Pour lire les arrêts du Tribunal fédéral :
Arrêt du TF du 17 mai 2018
Arrêt du TF du 21 septembre 2018

Crédit photo : Photo de Mathieu Stern sur Unsplash